Intervention lors de la conférence High-level conference ‘Youth Guarantee: Making It Happen’: Que reste-t-il à faire pour que la Garantie jeunesse devienne une réalité ?

Que reste-t-il à faire pour que la Garantie jeunesse devienne une réalité ?

08. IV. 2014

Intervention de Pervenche Berès, Présidente de la Commission de l’emploi et des affaires sociales du Parlement européen

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La fin de la crise annoncée régulièrement depuis deux ans par l’exécutif européen contraste avec la persistance d’un haut niveau de chômage et laisse entrevoir en creux un pessimisme partagé quant à la capacité de le l’Europe à combattre ce fléau, qui sévit fortement chez les jeunes.

Or c’est aujourd’hui une mission majeure et une priorité de redonner confiance aux jeunes de l’Union et à leurs parents pour battre en brèche la résignation et la tentation des extrêmes. Comme le raconte si bien le Président du Parlement européen Martin Schulz : à la génération de nos parents on avait demandé de faire des efforts considérables, pour nous, leurs enfants; aujourd’hui on nous demande aussi de le faire mais pour sauver les banques. C’est l’une des clés pour sortir de l’ornière : l’Europe a besoin des jeunes, de leur curiosité, de leurs idées, de leur sens de l’innovation. Même si, nous ne devons pas l’oublier, ils ne sont que la face émergée de l’iceberg.

Une question fondamentale s’impose alors. Que fait l’Union pour les jeunes ?
Les jeunes générations aspirent-t-elles à une Union du chômage ou de l’emploi ? De l’inégalité ou de la cohésion ? Souhaitent-elles une Europe bâtie sur la promesse d’une vie heureuse ou sur la crainte permanente de la précarité ?

La Garantie jeunesse offre une réponse claire et pertinente à ces interrogations. Illustration du nouveau paradigme des politiques de l’emploi fondé sur l’innovation sociale et la responsabilisation des citoyens comme de la puissance publique, elle rompt avec le fatalisme qui justifie la passivité et l’indifférence.

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C’est pourquoi avant de définir ce qu’il reste à faire, il faut mesurer l’ampleur de l’acquis.

La création de la Garantie jeunesse est un succès, dont le Parlement européen peut se féliciter. Comme toute innovation couronnée de succès, la Garantie jeunesse a plusieurs parents, le Parlement européen en revendique sa part de paternité ou de maternité dès 2010.

Le lien établi entre la Garantie jeunesse & l’Initiative pour l’emploi des jeunes (IEJ) à travers la législation du Fonds social européen (FSE), arraché par le Parlement européen dans les négociations, est là clairement sa victoire, mais ça l’est d’abord parce que cela renforce la Garantie jeunesse.

Au-delà de la recommandation adoptée par le Conseil le 22.IV.2013, cette base législative permet d’ébaucher la première prestation sociale européenne.

Cela étant dit, nous pouvons et devons faire encore mieux.

Il faut aller vite pour utiliser les fonds, disponibles sur deux ans. Cette urgence est à la fois une chance et un risque.

Une chance car toute aide est bienvenue en période de crise. Un risque, car elle accroît la probabilité d’une dispersion voire d’un détournement des mesures financées.

Ce qui se fait en Finlande & en Autriche n’a ainsi rien à voir avec ce qui est fait par exemple en France.

Cette diversité est le reflet de la difficulté de la Méthode ouverte de coordination (Moc) en matière de politique sociale. Si la Moc fonctionnait, la mise en place du dispositif bénéficierait d’un vrai échange de bonnes pratiques.

Ce problème montre aussi la nécessité pour les Services publics de l’emploi (SPE) nationaux de mieux coopérer, d’où l’importance d’avoir une participation obligatoire de chaque Etat membre au réseau des SPE.

Sur la question budgétaire, le gouvernement espagnol critique la complexité des règles du FSE qui s’appliquent à l’IEJ.

L’argument ne tient pas : s’il était cohérent, M. Rajoy, qui siège au Conseil, aurait dû refuser que le FSE devienne un véhicule financier de l’IEJ; il faut aussi se féliciter que les règles européennes permettent d’améliorer la capacité de gouvernance des administrations espagnoles. Mais comme je comprends que l’Espagne fait figure d’exemple parmi les pays déjà engagés dans la mobilisation de cette Garantie Jeunesse, j’imagine que le gouvernement espagnol a trouvé la bonne porte d’entrée.

Mobilisons-nous également pour que la hausse du budget de l’IEJ, possible dans le cadre de la révision post-électoral du cadre financier pluriannuel, soit au rendez-vous si nécessaire.

6 milliards d’euros, c’est peu comparé aux 1 000 milliards qui ont été injectés pour revitaliser les banques. Approximation rapide mais percutante, 6 milliards d’euros pour 6 millions de jeunes au chômage, cela fait 1 000€ de soutien par jeune. Cette somme ne peut pas servir de solde de tout compte même si cela rassurerait le politique teinté de protestantisme. L’Organisation internationale du Travail (OIT) a préconisé que 21 milliards d’euros étaient nécessaires pour faire face à la situation européenne.

Avec une telle force de frappe et en imaginant que son financement soit puisé à la source du budget de l’UE, la Garantie jeunesse deviendrait le premier stabilisateur automatique européen et servirait d’inspiration à la mise en places d’autres outils comme une indemnité chômage minimum à l’échelle de la zone euro.

En attendant, nous souhaitons que la Commission européenne examine de manière très précise, notamment dans le cadre du Semestre européen et des recommandations spécifiques par pays, les conditions de mise en œuvre de cette Garantie jeunesse.

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La Garantie jeunesse n’est pas le remède unique au chômage des jeunes européens. Il faudra par ailleurs continuer à investir dans le capital humain et créer de l’emploi local dans les filières d’avenir, comme l’économie verte. La Garantie jeunesse a cependant le mérite de souligner que ce grave problème doit être abordé dans le cadre d’un effort communautaire.

Il incombe aussi à tous les acteurs de la construction de l’Union européenne, partenaires sociaux et membres de la société civile inclus, de prendre part à cet élan collectif. Ici permettez-moi de redire combien le dialogue social est la clé de voûte de la mise en œuvre dans les pays de référence dans ce domaine. Ici, les associations de jeunes doivent également être associées. Les jeunes chômeurs grecs, espagnols ou slovènes ne doivent pas être des citoyens isolés dont le sort n’importe guère.

Car le chômage est une question qui nous concerne tous. Il fait barrage aux perspectives de développement immédiat et compromet celui des générations futures. Chacun est donc appelé à faire preuve de solidarité et d’engagement. Cette démarche peut commencer avec un vote éclairé lors des élections européennes,…