10 MESURES POUR COMBATTRE LE DUMPING SOCIAL ET PROTÉGER TOUS LES TRAVAILLEURS

Groupe de l’Alliance progressiste des Socialistes & Démocrates au Parlement Européen

Document de prise de position du Groupe S&D

10 MESURES POUR COMBATTRE LE DUMPING SOCIAL ET PROTÉGER TOUS LES TRAVAILLEURS

A travail égal, droits égaux et une concurrence équitable doivent être au cœur même d’un marché unique efficace, pour protéger non seulement les travailleurs, mais aussi les petites et moyennes entreprises, qui constituent le principal moteur de la création d’emplois en Europe. Toutefois, le manque d’ambition et d’engagement de la Commission et de certains Etats Membres dans la défense du modèle social européen favorise la propagation du dumping social, d’une concurrence déloyale, et de distorsions du marché, avec pour résultat une augmentation du nationalisme et du protectionnisme. Il est inacceptable que les compagnies augmentent leurs marges bénéficiaires en exploitant les travailleurs (transfrontaliers) comme une main d’œuvre bon marché, et les privent de leurs droits du travail et sociaux. En outre cette pratique prive les Etats Membres de revenus fiscaux et de contributions à la sécurité sociale. Le dumping social se banalise dans pratiquement tous les secteurs économiques. L’Union Européenne ne peut se permettre de laisser perdurer cette situation. Le Groupe S&D est fermement engagé à combattre le dumping social, la discrimination et l’exploitation des travailleurs, particulièrement de ceux en situation de détachement. A cette fin nous avons 10 demandes essentielles.

1. Des normes sociales et du travail élevées
La liberté économique au sein du marché unique doit respecter les normes et pratiques de la législation du travail et des relations industrielles, y compris les droits à la représentation et aux négociations collectives, l’action collective et un salaire égal à travail égal sur un même lieu. Afin de combattre la concurrence déloyale et de promouvoir la cohésion sociale, nous demandons un protocole social pour assurer la prééminence des droits sociaux sur les libertés économiques. Les clauses sociales doivent être présentes dans toute la législation concernée, afin de garantir un traitement égal de tous les travailleurs et le respect de la législation sociale et du travail et des conventions collectives.

Nous demandons l’établissement d’un salaire minimum par le biais de la loi ou de conventions, selon les pratiques nationales, si nécessaire et dans une première étape sous forme de coopération renforcée au sein de l’Eurozone. Nous demandons également une augmentation du salaire minimum statutaire dans les pays où ceci est estimé nécessaire par les syndicats, afin d’atteindre des normes d’existence et de salaire décentes. Au regard de l’évolution de la protection sociale et dans le contexte de la troisième révolution industrielle, nous sommes convaincus qu’il faut s’engager dans la voie d’un revenu minimum .

Nous sommes solidement engagés dans la défense et la promotion des droits et de la protection des travailleurs en termes de conditions de travail, de santé et de sécurité, de dialogue social ainsi que de droit aux négociations collectives, d’information et de consultation. Nous lutterons contre toute tentative de considérer les normes du travail et sociales comme des charges administratives et de les saper au nom de la compétitivité, comme c’est le cas avec l’initiative REFIT de la Commission Européenne.

2. Une révision de la Directive sur le détachement des travailleurs
La Directive sur le détachement des travailleurs est aujourd’hui utilisée comme un instrument nuisant aux travailleurs et aux conditions de travail et sociales dans les états hôtes. Il faut en revenir à son rôle original de lutte contre le dumping social et de garantie du plein respect de l’égalité des droits. La Directive a besoin d’une sérieuse révision, afin de combattre le dumping social comme c’était originellement prévu, notamment en sauvegardant l’autonomie des partenaires sociaux, et en particulier le droit fondamental de la négociation et de l’action collectives ; ou encore en établissant des définitions plus précises du type d’activités couvertes par la Directive, en renforçant les obligations des états membres de contrôler et mettre en place la Directive, en fixant des règles générales de l’UE pour les dispositions de sécurité sociale (prorate temporis) et en établissant un système de double déclaration des travailleurs détachés (par l’entreprise les détachant et par le contractant). Les lacunes et défauts actuels de la Directive empêchent les syndicats et états membres d’assurer l’égalité de traitement des travailleurs détachés. Durant de nombreuses années, le Groupe S&D a demandé une révision de la Directive afin de garantir que chaque travailleur en Europe bénéficie de pleins droits et de conditions de vie et de travail décentes.

3. Une solide Directive de mise en oeuvre de la Directive détachement des travailleurs
Jusqu’à ce que la révision de la Directive sur le détachement des travailleurs soit achevée, la Directive de mise en oeuvre doit renforcer la protection des travailleurs détachés et leurs droits, clarifier les règles et obligations selon lesquelles les compagnies peuvent détacher des travailleurs d’autres états membres et prévenir les abus. Nous exigeons en particulier que les états membres aient la possibilité d’imposer toute mesure de contrôle qu’ils estimeraient nécessaire pour combattre la fraude et le contournement des règles. Nous exigeons également un système contraignant de responsabilité conjointe et solidaire qui devrait couvrir l’ensemble de la chaîne des sous-traitants et l’ensemble des secteurs. Finalement, les règles du pays hôte (ou les règles les plus favorables aux travailleurs) devraient être d’application pour les cas non couverts par la Directive. Dans ce contexte, nous ne pouvons pas soutenir une directive de mise en oeuvre aussi faible que celle proposée par la Commission, qui en effet ne rencontre pas ces exigences.

Afin d’éviter les abus dans l’utilisation de travailleurs intérimaires en situation de détachement, une définition claire du « travailleur intérimaire » devrait être inclue dans la Directive sur le travail intérimaire, ainsi que des mécanismes de sanction en cas de non-respect de celle-ci.

4. Une législation contre le dumping social
Le dumping social relève de la concurrence déloyale et par conséquent des dispositions destinées à le combattre devraient être intégrées dans la législation européenne de la concurrence. Pour leur mise en place, la Commission devrait recevoir le pouvoir d’enquêter sur le dumping social et d’imposer des amendes aux entreprises qui violent les lois européennes de prévention du dumping social. Ces règles devraient être fixées dans un Règlement .

5. Une responsabilité et des limites claires à la sous-traitance
Il nous faut un Règlement européen établissant une responsabilité conjointe et solidaire contraignante tout au long de la chaîne de sous-traitance, limitant la sous-traitance, interdisant le recours à des compagnies fictives et assurant des droits égaux aux travailleurs de la chaîne de sous-traitance. Les compagnies qui violent les conditions de travail et d’emploi devraient être sanctionnées et enregistrées au niveau central, tant national qu’européen, afin de permettre un meilleur contrôle à l’avenir. Un registre des compagnies qui violent sérieusement la législation du travail et les conditions de travail devrait être établi, et ces compagnies devraient alors être exclues des marchés publics. Nous demandons également une définition de l’activité principale d’une compagnie, qui ne puisse être externalisée ou sous-traitée.

6. Une inspection du travail efficace
Les inspections du travail doivent être coordonnées au niveau européen et une inspection du travail européenne pour les cas transfrontaliers devrait être installée afin d’assurer la mise en application de la législation sociale et du travail dans le marché unique. Une attention particulière devrait être accordée aux cas de trafic pour l’exploitation des travailleurs. Une plateforme européenne permanente devrait être créée pour la coopération transfrontalière entre les agences gouvernementales, en associant les partenaires sociaux, afin de combattre les pratiques d’emploi abusives. Afin de faciliter le contrôle par les inspections du travail du respect des droits sociaux et du travail des travailleurs détachés, il faut établir un document électronique européen contenant les données professionnelles et de sécurité sociale du travailleur. Pour combattre le phénomène croissant des faux indépendants nous demandons une définition claire de l’employé, au niveau européen.

7. Des droits à l’information et à la consultation étendus
Dans la droite ligne de la Directive sur les comités d’entreprise européens, il sera nécessaire d’adopter une Directive européenne permettant la création de structures de dialogue social inter-entreprises, où les travailleurs de l’ensemble des compagnies sous-traitantes seront représentés afin de gérer les problèmes communs. La Directive devrait aussi se concentrer sur la dimension transfrontalière tant des grands projets que de projets situés dans les régions frontalières, là où sous-traitants et travailleurs détachés sont impliqués.

Les représentants des travailleurs doivent avoir le droit d’être informés sur le recours à des travailleurs détachés dans la chaîne de sous-traitance et avoir le droit de les contacter afin de leur fournir une information et des conseils appropriés. La Directive sur le travail intérimaire établit que les entreprises doivent fournir aux représentants des travailleurs une information adéquate sur le recours aux travailleurs intérimaires. Cependant, quand les intérimaires sont employés en seconde ligne de la chaîne de sous-traitance, les représentants des travailleurs de la compagnie principale ne doivent pas être informés. En résulte fréquemment un manque d’information et de contrôle. Ni la Directive sur le détachement des travailleurs ni la Directive sur l’information et la consultation ne contiennent de dispositions en cette matière. Par conséquent nous demandons une législation pour assurer des droits adéquats à l’information et la consultation, y compris dans la chaîne de sous-traitance.

8. Une meilleure protection des travailleurs
Selon le TUE et la Charte Européenne des Droit Fondamentaux, l’Union doit promouvoir le dialogue social et le droit à la négociation collective, les droits d’information et de consultation des travailleurs et le droit à des conditions de travail équitables et justes. L’Union européenne devrait par conséquent encourager la syndicalisation des travailleurs, afin de les protéger des pratiques d’emploi abusives. Ceci est particulièrement important pour les travailleurs vulnérables car en situation d’emploi atypique, ou encore pour les travailleurs détachés. La syndicalisation est essentielle pour donner du pouvoir aux travailleurs, pour les protéger contre les abus et l’exploitation et pour leur permettre de mieux exercer leurs droits. Il faut en outre créer dans tous les états membres des structures d’avis et de soutien aux travailleurs détachés et migrants, avec l’aide de l’Union Européenne et la participation des syndicats.

9. Une politique d’immigration équitable
Le principe d’égalité de traitement des ressortissants d’états tiers est fondamental, afin de promouvoir la non-discrimination et les pistes d’intégration des travailleurs migrants, d’éviter le dumping social et de soutenir les processus de régularisation. Plus les permis de résidence et de travail sont de courte durée, plus la reconnaissance et le respect des droits des migrants et la prévention du dumping social seront difficile. Il faut éliminer les facteurs de vulnérabilité des migrants sur le marché du travail, particulièrement lorsqu’ils résultent de permis de résidence et/ou de travail précaires et à court terme. Cet objectif serait plus facilement atteint via une Directive cadre sur les conditions de travail et l’égalité de traitement pour les ressortissants de pays tiers. En matière de migration, l’ensemble des outils légaux de l’UE, présents et à venir, devrait être mieux coordonné et devrait mettre en place le principe d’égalité de traitement de manière cohérente et homogène.

Les accords de commerce signés par l’UE et incluant des schémas temporaire de travail migrant
devraient permettre la mise en application effective du principe d’égalité de traitement, y compris en subordonnant la mobilité transfrontalières au respect de l’égalité de traitement, tant en termes de salaires que de conditions de travail.

10. Davantage de responsabilité sociale des entreprises
Par sa gestion et ses pratiques professionnelles, le monde des entreprises doit promouvoir des normes et pratiques sociales élevées. En appliquant des normes élevées de responsabilité sociale des entreprises, ces dernières peuvent jouer un rôle essentiel dans la réalisation d’un modèle économique socialement juste, et contribuer à la lutte contre le trafic aux fins d’exploitation des travailleurs. Dans ce cadre, une législation contraignante sur la responsabilité sociale des entreprises offrirait une solution bien plus efficace que des schémas volontaires.