L’Europe face à la crise: pompier ou pyromane?

Pervenche Berès participera le 5 mai à 12h au Chat sur le site de Libération

Posez toutes vos questions à Pervenche Bérès, eurodéputée PS qui participe à tous les débats au Parlement . Un tchat réalisé pour la diffusion du webdocumentaire «Rapporteur de crise».

Crise de l’euro: «Les Etats européens ne bougent qu’une fois au pied du mur»
TCHAT

A l’occasion de la diffusion par Libération du webdocumentaire «Rapporteur de crise», l’eurodéputée PS Pervenche Bérès, chargée du rapport sur la crise financière au Parlement européen, a répondu à vos questions.

Constantin. En quoi consiste votre travail de «rapporteur de crise»?
Pervenche Bérès. Je crois qu’on le voit très bien dans le webdocumentaire de Samuel Bollendorff et Olivia Colo [diffusé par Libération à cet endroit]. Etre rapporteur, c’est faire une propositon de prise de position sur laquelle les collègues réagissent, et qui permet au Parlement européen de prendre position.

Nologo. Félicitations, ce webdocumentaire est passionnant. On voit en détails votre travail, mais la conclusion du webdoc est effrayante: les solutions que vous préconisez ne seront mises en oeuvre que si le Conseil et la Commission décident de s’en saisir? N’est-ce pas frustrant?
Oui, et non. C’est frustrant parce que ça signifie que sur certaines propositions on a raison trop tôt. Mais regardez, sur la taxation des transactions financières: le Parlement européen s’est à nouveau prononcé en sa faveur, et c’est aujourd’hui une proposition dans le débat public, que ce soit à la Commission européenne, ou au G20.

Joe. Comment se comportent les partenaires européens? Arrivent-ils à trouver un consensus pour juguler les effets de la crise européenne?
On voit que c’est plus facile d’avoir des propositions audacieuses au Parlement européen qu’au Conseil. Les difficultés que connaissent les Etats membres ne les incitent à bouger qu’au pied du mur.

Kaola. Finalement, le Portugal a demandé l’aide financière à la Commission européenne, selon vous est-ce que c’était inévitable?
En tout cas, c’est ce que les marchés ont décidé. Les conditions dans lesquelles cela s’organise montrent que l’état de construction de l’euro n’est pas achevé. Aujourd’hui, si le Portugal va au FMI, il a droit à une aide, en Europe il doit la négocier.

Vivien. Les plus pessimistes disent que cette crise va entraîner l’euro dans sa chute, qu’en pensez-vous?
J’espère que le dos au mur, cette crise obligera à achever la construction de l’euro dont la survie est consubstantielle à la survie de l’Union européenne.

Pascal. Est-ce que la culture de ce compromis du Parlement européen – qui est évoquée dans le webdoc – ne conduit pas à trop de renoncements?
Pour tout parlementaire animé par de fortes convictions, c’est parfois difficile. En tout cas, ça oblige à beaucoup argumenter, à choisir ses priorités. Honnêtement, je n’ai pas à rougir du résultat auquel on est arrivé, le 20 octobre dernier, avec le rapport «crise».
Bien sûr, dans ce compromis je n’ai pas retrouvé tous les éléments qui me semblent essentiels pour expliquer l’origine de la crise, mais c’est parce que j’ai accepté de négocier que nous avons pu obtenir une très large majorité sur des propositions fortes.

Platon. Parmi les mesures préconisées dans votre rapport, quelle serait celle qui pourrait avoir le plus grand impact selon vous, pour lutter contre les inégalités au niveau européen?
On demande un revenu minimum, une meilleure répartition de la fiscalité entre le capital et le travail, et la taxation des transactions financières.

Platon. Quels sont les pays susceptibles de peser le plus en faveur de la taxe sur les transactions financières?
L’Autriche, la Grèce, et je crois comprendre que l’Allemagne est très sollicitée par l’Autriche pour aller en ce sens.

Phil 75. Quelles sont les leviers dont dispose l’Europe pour moraliser la finance mondiale?
Elle devrait d’abord s’exprimer de manière plus forte et d’une seule voix dans les instances internationales, en particulier au FMI, ou au G20. Ça suppose que dans les ordres du jour des grandes rencontres internationales, et notamment du G20, des sujets qui semblent n’avoir fait l’objet que d’un effet de mode reviennent sur le devant de la scène: la lutte contre les paradis fiscaux, la maîtrise des bonus, et la réduction des conflits d’intérêts des agences de notation de crédits.

Tatave. Ne regrettez-vous pas aujourd’hui que le PS ait trahi les Français en allant signer le mini-traité à Versailles (quel symbole!) contre la volonté du peuple souverain?

J’imagine que vous voulez parler du Traité de Lisbonne. Comme vous savez, j’ai fait campagne pour le non au référendum sur la Constitution.
J’ai pourtant accepté la ratification de ce traité, car plutôt que de rester bloquée sur les questions institutionnelles, je pensais indispensable de traiter des questions de fond. Malheureusement, la situation actuelle de l’Union européenne ne donne que trop raison à cette vue des choses!

Gg. Les citoyens sont surendettés, les Etats sont surendettés, les banques qui prêtent à ces Etats sont surendettées, combien de temps faudra-t-il encore attendre avant que la question de l’annulation des dettes n’arrive sur le tapis politique? Pensez vous qu’il sera inévitable d’annuler une partie des dettes des Etats?
Chacun mesure le coût d’une restructuration. Les propositions pour l’avenir que nous faisons portent sur l’émission mutuelle d’une partie de la dette des pays membres de la zone euro. Je pense que les Européens devraient aussi réfléchir à des emprunts obligataires, avant d’accepter massivement le financement de leur économie par des capitaux chinois.

Nologo. On médiatise un peu, pas suffisamment certes, les discussions au Parlement européen. Mais on n’entend jamais rien sur les positions défendues par les Etats membres au Conseil… n’y a-t-il pas là (aussi) un déficit démocratique?
Je suis absolument d’accord avec vous. D’autant plus que trop souvent les Etats membres, non seulement ne disent pas ce sur quoi ils se sont mis d’accord au Conseil, mais rapportent à leur opinion publique ce qu’ils ont envie de dire.

Sarah. Est-ce que les compromis continuent sur votre rapport pour mieux les faire aboutir à Bruxelles? quels sont les amendements qui auront le plus de chance d’aboutir à des lois prochainement ?
La proposition sur l’harmonisation de l’impôt sur les sociétés, même s’il faudra être vigilant pour que cette proposition ne soit pas simplement au service des multinationales, doit permette aussi de reconstruire la base fiscale des Etats membres. Parmi les propositions de mon rapport, celles qui auraient le plus d’impact pour les Européens et pour l’Europe portent sur une politique européenne de l’énergie.

Chango. Ne serait-il pas urgent de proposer la création d’un tribunal international apte à juger les crimes économiques contre l’humanité afin de limiter les comportements criminels des pouvoirs économiques?
C’est une proposition.

Platon. Pensez-vous que l’Europe manque de moyens financiers pour renforcer son pouvoir de décision et d’action?
Absolument, et c’est ce que dit le rapport, lorsque nous disons que l’Union européenne doit être capable d’agir en tant que tel dans les domaines d’intérêts communs. Mais pour cela, l’Union a besoin de se doter des moyens financiers adaptés: un financement du budget de l’Union par des ressources propres (taxation des transactions financières, pourcentage de l’impôt sur les sociétés, taxe carbone, des euro-obligations pour financer l’investissement public européen, qui doit être aussi créateur d’emploi).

Maurice. Les banques françaises vont-elles résister à la restructuration imminente de la dette grecque ?
A ma connaissance, la restructuration de la dette grecque n’est pas d’actualité, mais il est certain que si celle-ci devait interveni, elle affecterait en priorité les banques allemandes et les banques françaises.

Maurice. L’Espagne est-elle aussi menacée par une potentielle faillite ?
La situation espagnole est une situation très différente, et qui est liée à l’importance de la dette des ménages.