Mercredi 3 avril 2019
Cérémonie de départ de Pervenche Berès et d’Alain Lamassoure – Parlement européen – Bruxelles
Discours de Pervenche Berès
Mesdames, Messieurs les présidents,
Monsieur le vice-Président de la Commission,
Madame la Commissaire,
Messieurs les anciens Commissaires,
Monsieur le membre du Directoire,
Monsieur l’Ambassadeur,
Chers amis,
Chers collègues,
Mesdames et messieurs,
Mes sœurs, mes frères de combats,
Ceux venus de Francfort, Porto, Lyon, Düsseldorf, Paris, Clermont-Ferrand, Budapest, et d’ailleurs.
Merci à tous d’être là.
Je veux remercier aussi tous ceux qui nous suivent de l’autre côté de la scène et auquel en vérité rien n’échappe, les interprètes même si trop souvent maintenant nous les maltraitons avec notre usage de la langue du Brexit, les chauffeurs qui nous rendent mobiles, les huissiers qui nous guettent, les serveurs du bar, du restaurant et d’ailleurs qui nous redonnent l’adrénaline nécessaire, tous qui nous accompagnent de leur bienveillance.
Je veux remercier mes collègues, ils m’ont rendu plus intelligente, ils m’ont obligée à ne pas faire de la politique pour me faire plaisir en me disant que j’avais raison et que tant pis si les autres ne comprenaient pas, ils m’ont obligée à les comprendre pour mieux gagner. Ils m’ont presque appris à laisser de côté le sectarisme et à apprendre le pragmatisme, on peut le pratiquer avec succès si l’on connaît ses priorités.
Merci aux fonctionnaires de cette maison, beaucoup le savent : ayant exercé cette belle profession dans une assemblée nationale, j’ai un immense respect pour leur travail.
Merci aux fonctionnaires politiques et bien sûr d’abord à ceux du groupe socialiste, ils sont des partenaires de combat exigeants et redoutables, pour identifier les mauvaises et les bonnes batailles et la manière de les gagner.
Merci à tous les collaborateurs de la Délégation socialiste française qui m’ont si souvent accompagnée. Merci à mes collaborateurs, en 25 ans, ils auront été 19, dont 1/3 actuels ou anciens sont ici ; je veux les saluer tout particulièrement parce qu’ils m’ont supportée, parce qu’ils m’ont compris et qu’ils ont le plus souvent su deviner, partager, porter mes obsessions et mes priorités.
Cher Alain,
Je vous vouvoie puisque vous êtes de droite. Au cours de ces 25 ans, entrecoupé pour vous, continu pour ma part, nos chemins se seront croisés au Mouvement européen ou durant la Convention sur le projet de Constitution, sans doute l’une des expériences les plus riches de ces années de mandat, vous y étiez l’ancien ministre respecté, moi l’enfant terrible selon Inigo Mendez de Vigo ; lorsque je me bats pour rester présidente de la commission économique et monétaire auprès de Joseph Daul et de Martin Schulz, le président Sarkozy pense plus important que vous présidiez la commission du budget ; lors de la dernière campagne électorale vous étiez, en Ile-de-France, tête de liste de ce qui était encore l’UMP, j’avais fini par arracher celle des Socialistes.
C’est donc notre première opération commune, il était temps. Mais ce qui nous réunit, c’est, unis dans la diversité, l’essentiel.
En vous proposant, ce que certains considéreront peut-être comme une faute ou une provocation à 2 mois des prochaines élections européennes, j’ai sans doute anticipé et pensé à un incontournable qui attendait les journalistes bruxellois, le papier qu’il fallait écrire et que certains commencent à écrire, puisque nos départs concomitants tournent une page, une page qui s’est écrite sans ressource propre et sans budget de la zone euro.
Nous le faisons alors que ce qui nous rassemble est en danger : l’Europe et la démocratie. Peut-être que plutôt que de rechercher le plus petit commun dénominateur nous devrions nous concentrer sur le plus grand facteur commun…
L’Europe, nous avons la certitude de l’avoir toujours défendue ici à Bruxelles ou à Strasbourg mais fondamentalement nous avons éprouvé cette distance qui fait qu’elle n’est pas vécue, défendue de la même manière dans les capitales ; le Thalys ou le TGV raccourcissent la durée, mais pas la distance… Elle devait, elle doit être notre meilleure arme dans la mondialisation, pour inventer un nouveau modèle où les hommes et les femmes sont au cœur de la pensée dans le respect de l’équilibre fragile de la planète et elle est trop souvent perçue comme un ogre dévorant ses enfants.
La démocratie nous l’avons pensée universelle, elle paraît chamboulée aux Etats-Unis, par les réseaux sociaux, en Europe avec le Brexit, en Hongrie, en Italie ; quelque chose s’ébranle sur lequel nous nous appuyions… Elle est pourtant notre moins mauvais régime qui doit s’établir sur la base non pas de rupture mais de la clarté de chaque partenaire.
Sur les combats communs menés à distance, chacun à nos places respectives et sur nos passages de relai, je voudrais, sans devenir immédiatement trop technique, en citer trois :
– que les budgets des Etats membres reflètent les priorités européennes et que par exemple lorsqu’au début des années 2000, l’Europe décide de devenir l’économie de la connaissance on détermine la part des budgets nationaux consacrée à cette politique, il faut désormais l’exiger pour la transition écologique,
– que la contribution des Etats-membres au budget de l’Union européenne soit déductible du calcul de leur déficit en attendant l’indispensable ressource propre et la réforme du Pacte,
– que les trilogues soient publics pour que les citoyens soient témoins des impasses où nous mène trop souvent le Conseil ; et comment dans ce cas ne pas penser à ma dernière expérience au cours de laquelle j’ai vu des Etats membres qui la main sur le cœur jurent vouloir une union des marchés de capitaux mais qui s’arcboutent pour garder des institutions de supervision « as members states driven institutions ».
But as a French socialist, which I have being long before entering this House and which I remain, allow me to break three rules, first to speak in English from now on, second to assume having a farewell drink with an EPP member, third to do it in Brussels.
When I arrived in the EP in 1994 after the Maastricht referendum in France in 1992, I wanted to become a member of ECON because I was convinced that sharing the same currency would make it all different and would be the biggest possible driver for the EU. And because I thought these questions were too critical for our society to be left only to conservatives. I believe that somehow I was right, even though nearly nothing went on as foreseen or hoped, not to mention that more than 20 years after this Parliament had adopted a resolution on the need for an adjustment mechanism in case of asymmetric shocks we still don’t have it.
But in the end, this House is a very special place; it is a real hub of modern democracy. I truly believe it is a place where you can fight for your ideas and where citizens’ voices can be heard.
Victories don’t always happen where you have been fighting the most, sometimes they happen on the other side of the mountains you are trying to climb. But in the end, maybe the Parliament really makes the difference when it is exploring new fields outside of the old territories of national sovereign debate; I believe, where this Parliament has contributed to change the world during this mandate, it will be with the GDPR and Copyright, it is also very true when it comes to a change for a sustainable transition with car emission, use of plastic, a new agriculture policy and so on. Somehow this is consistent with the reason why this Parliament was settled, not to overcome sovereign blockage but to develop a market for citizens. As you can imagine I nevertheless still believe that there is a lot for the next generation to do if we want it to be sustainable because, without a strong social dimension, fair taxation not only of GAFAs, a truly progressive society for the people we would destroy the best arm the Europeans have being patiently building, the only one they have to cope with globalisation, hope it’s not too late.
Does the problem lie in the big coalition in the European Parliament? First, does it really exist? It did exist to insure the election of the president of the Commission or to implement the basis of the agreement that was the namely “Junker plan”, but it does not exist on all texts, you sometimes have your coalition with the ALDE and ECR we were sometimes successful on some issue based on a coalition with part of GUE, Greens and part of ALDE. And we strongly disagreed on transnational lists for the European Parliament election, on focusing on 3CTB as an own resource, on a minimum 18% threshold rate for 3CTB, on moving ahead with a temporary digital tax solution, on CETA, on TIPP/TAFTA, on GMOs, on conflicts minerals… I was never fully able to convince your group of the need for a reform of the growth and stability Pact, that after huge efforts in terms of risk reduction it could be time for risk sharing, that the economy is not optimum not because some Members States don’t respect rules but because the current design of these rules isn’t fit to cope with the current challenges and to allow the EU to engage truly in a much needed ecological transition… and in the end this is why I had to give up on voting on a stabilisation function for a Eurozone budget, not to kill it despite strong bridges with some members of your group, liberals and greens.
Not to point fingers and put the blame on the others, but I truly believe that the real problem lies in the Council, I even would say that the Commission knows it and that there is an insane power game going on where the Commission would put on the table proposal not provoking for the Council and with some room for improvement for the European Parliament, the Council knows it and over play a hard liners position to have room for manoeuvre when comes the trialogue.
Unfortunately, this is exacerbated by the fact that most of the time, the Commission will then defend the Council’s position.
Too little too late, and then you increase the ground of all the EU opponents Members States have to face at home.
This strength of intergovernmentalism in the Council is also made worse by the dead end of the franco-german relation, is it 100% due to such or such government? Unfortunately it takes its root much more deeply in the history, memory or practice of both countries.
Sometimes I have the feeling that governments just forget that the Commission was also tailor made to be the go between them and, during this mandate, in the field I know the best, at least twice, I have seen France and Germany, on toping that where more than controversial among them, re inventing a proposal without relevance where the Commission had put on the table a timid first step that could have been much better as a start;I want here to refer to the stabilization function of a Eurozone budget or to the digital taxation.
In this Parliament, you sometimes feel far from home, from your national party, government, but you are part of the most important assembly for the future of our people; I have not change my mind, nothing went on as expected, we did too many mistakes, but it remains true.
We represent the people and the Council represents the States, a distance that the Commission needs to bridge.
And in the end: to the young generation, I have a lot to say even if they are at the best place to invent it, I would just like to say:
Ne la laisse pas tomber
Elle est si fragile
Etre une Europe libérée tu sais, c’est pas si facile.
Si vous trouvez les boucles d’oreilles démodées, merci de garder vos sarcasmes.
A la chienne de vie que l’on tricote avec plaisir.