Il faut revenir à une logique de solidarité pour finaliser l’union bancaire

Vendredi 2 décembre 2016

Interview parue dans Agence Europe

La socialiste française Pervenche Berès est d’avis que, pour finaliser l’union bancaire en zone euro, la voie à suivre est celle de la création d’un pilier ‘dépôts bancaires’ qui repose sur une réelle solidarité entre régimes nationaux.

« Le Parlement européen doit arrêter, le plus vite possible, une position qui soit la plus équilibrée possible et qui assure la création d’un vrai troisième pilier pour l’union bancaire. Si nous disons que nous sommes arrivés à un 3ème pilier alors qu’en réalité on n’a rien ‘solidarisé’, ce n’est pas la peine! », a déclaré la coordinatrice du groupe S&D au sein de la commission des affaires économiques et financières du Parlement européen, jeudi 1er décembre lors d’un entretien à EUROPE. Regrettant la lenteur des discussions au Parlement, elle a indiqué que son groupe repartirait de la proposition initiale de la Commission européenne pour déposer, avant mi-décembre, ses amendements.

Présentée en novembre 2015, la proposition de la Commission envisage la mise sur pied, en trois étapes, d’un système européen de garantie des dépôts (EDIS) totalement mutualisé à l’horizon 2024.

Mme Berès a critiqué la démarche préconisée par Esther de Lange (PPE, néerlandaise) qui a « totalement réécrit le texte de la Commission ». Au lieu d’aboutir à une garantie européenne des dépôts bancaires totalement mutualisée, le rapporteur du PE envisage un système européen comportant deux phases : – entre 2019 et 2024, un mécanisme de réassurance couvrirait progressivement les besoins de liquidités des régimes nationaux de garantie des dépôts ; – après 2024, un système d’assurance couvrirait progressivement les pertes essuyées. « La première étape, ce n’est plus grand-chose, sauf des conditions très difficiles pour passer au 2ème pilier qui, lui, arrête en fait le processus, car le 3ème pilier n’est plus évoqué », a commenté la députée européenne.

Selon la socialiste française, l’approche de Mme de Lange, qui mobilise en premier lieu les instruments de garantie nationaux, a certes le mérite de répondre aux inquiétudes d’États membres comme l’Allemagne, très réticents à ce que leur secteur bancaire vienne en aide à des banques défaillantes d’autres États membres. Mais elle contribue au « déséquilibre entre les trois piliers de l’union bancaire », a estimé Mme Berès.

Au niveau européen, les travaux sur la finalisation de l’union bancaire vont de pair avec ceux sur la réduction des risques financiers, conformément à la feuille de route que le Conseil Écofin a adoptée en juin. À ce titre, la Commission a récemment présenté un paquet législatif renforçant les règles prudentielles bancaires. Sur ce dossier, « on voit les mêmes tensions : il y a les jusqu’au-boutistes de la réduction des risques, pour qui les exigences MREL (en fonds propres potentiellement mobilisables en cas de résolution bancaire, NDLR) ne vont pas assez loin »,  a noté Mme Berès, et ceux qui ont une position plus souple pour ne pas tarir le financement de l’économie.

La rédaction des projets de rapport sur la révision des règles prudentielles bancaires (paquet CRD-CRR) a été confiée au groupe S&D, tandis que le groupe PPE sera chargé de piloter les discussions au PE sur la révision de la directive ‘BRRD’ encadrant les régimes nationaux de redressement et de résolution bancaire.

Puisque l’accord au G20 impose l’entrée en vigueur de la norme TLAC dès 2019, les Européens devront nécessairement avancer dès 2017 sur le chapitre ‘réduction des risques financiers’. La socialiste française ne croit pas, en revanche, à un accord politique au Conseil sur la proposition EDIS avant les élections législatives allemandes programmées à l’automne 2017. (Mathieu Bion)