Jeudi 18 avril 2019
Article de Sophie Gauvent paru dans Revue Banque n°832
La réforme des ESA (European Supervisory Authorities) aura bien lieu, un accord politique étant intervenu le 21 mars 2019, alors que ce dossier a failli passer à la trappe, l’Allemagne souhaitant traiter séparément et en priorité la question de la lutte contre le blanchiment.
Les négociations ont en fait abordé non seulement la lutte anti-blanchiment, mais également d’autres domaines de compétences qui pouvaient être intégrés au champ d’action des ESA, ou encore la gouvernance de ces Autorités.
Sur la gouvernance, qui était au cœur de la négociation, le résultat est en deçà de l’ambition de la proposition de la Commission que Pervenche Berès – corapporteur de la réforme – avait faite sienne. L’objectif de départ était de créer un Conseil exécutif, doté de membres indépendants mais cette entité ne verra pas le jour, les États souhaitant maintenir le contrôle qu’ils exercent sur les ESA. Le statu quo est donc maintenu, avec un Conseil des superviseurs au sein duquel les autorités nationales débattent en faisant parfois passer l’intérêt national en priorité, ce qui est peu propice à l’harmonisation de la réglementation. Et si le Brexit a bien lieu, la situation risque d’être très tendue entre les différents superviseurs nationaux qui veilleront sans doute chacun à ce que leur pays soit dans une bonne position concurrentielle.
Le statu quo n’est toutefois pas total puisque les pouvoirs des présidents des ESA sont renforcés : avec la réforme, ceux-ci obtiennent le pouvoir de fixer l’ordre du jour, un droit de vote sur les propositions qu’ils mettront sur la table, une voix déterminante en cas de difficulté à trouver une majorité au sein du Conseil des superviseurs ou encore, la possibilité d’établir des comités internes pour organiser au mieux leurs travaux.
Un champ d’action limité
L’enjeu de l’amélioration de la gouvernance était moindre que ce qui avait été imaginé. En effet, il était initialement question d’élargir considérablement les pouvoirs accordés aux ESA. Finalement, leur champ d’action demeure limité. Par exemple, « sur le thème des modèles internes en assurance, les États membres n’ont accepté qu’une fonction de coordination pour EIOPA, au lieu de lui donner un véritable pouvoir d’intervention et de supervision », relève Pervenche Berès. Autre exemple : aucun prospectus ne sera directement supervisé par l’ESMA. Enfin, sur la lutte antiblanchiment, l’EBA se voit certes attribuer des compétences en la matière (pouvoir de coordonner les actions menées par les Autorités nationales, pouvoir de déclencher une inspection nationale…) mais sans pour autant disposer du pouvoir d’infliger des amendes. Dans ces conditions, la mise en place d’un Conseil exécutif ne s’imposait pas selon Pervenche Berès : « Dès lors que les pouvoirs de supervision directe des ESA n’étaient pas renforcés, cela n’avait pas de sens de créer un Conseil exécutif doté de membres indépendants. »
Les progrès que procure cette réforme sont toutefois à saluer.