La social-démocratie est morte, vive la social-écologie !

Dimanche 26 novembre 2017

Tribune parue dans l’hebdomadaire grec  Νεα Σελιδα

IMAGE GRECQUE

En Europe, à gauche, de nombreux partis politiques se sont revendiqués d’un progressisme modéré et pragmatique dont l’ambition était de corriger les effets du capitalisme plus que de le combattre. Cette social-démocratie ne fait plus, aujourd’hui, ni consensus, ni recette : elle s’est fracassée sur la mondialisation, les nouvelles technologies et la crise de 2008.

Le mal vient de loin : le congrès du SPD de Bad Godesberg en 1959 accepte de servir l’économie dite sociale de marché tandis que la troisième voie de Tony Blair fait glisser la social-démocratie vers le social-libéralisme. La gauche française a longtemps résisté à cette orientation ; lorsque François Mitterrand arrive au pouvoir en 1981, il contribue à un certain rééquilibrage de la social-démocratie européenne y compris en imposant le thème de l’Europe sociale. Mais, le PS français finira par faire siens en 2008 les principes de Bad Godesberg sans les réviser, alors même qu’il est trop tard pour cette doctrine. Les outils qui naissent de ces concepts ne sont plus adaptés pour transformer le réel alors qu’après la chute du mur de Berlin, avec le développement des nouvelles technologies et la mondialisation, l’explosion d’un capitalisme financier internationalisé menace les modes nationaux de solidarité et de redistribution et provoque l’accroissement des inégalités.

En s’accommodant d’une fonction de gestionnaire crédible du capitalisme, la social-démocratie européenne a sacrifié la question du travail et laissé s’installer le dérèglement climatique. Les citoyens les plus vulnérables, les ouvriers, les employés, les salariés, ceux qui comptaient sur la gauche au pouvoir pour porter leur aspirations au progrès et à la transformation sociale se sont sentis abandonnés, dépassés, menacés  par un monde de plus en plus globalisé où les règles semblent toujours profiter aux plus forts. Faute d’avoir su répondre aux exigences de la transition dans l’accompagnement de ceux qu’elle avait vocation à défendre, elle a laissé se développer une classe de déshérités qui ne croit plus au progrès social et se tourne parfois vers le repli et le nationalisme. Reniant ses idéaux fondateurs, contribuant au brouillage des clivages, la social-démocratie connait, presque partout en Europe, des défaites électorales majeures. C’est d’autant plus troublant que l’on aurait pu imaginer qu’avec la grande crise née en 2007, sa capacité à la régulation était la bonne réponse, mais en réalité, elle n’a pas su prendre ses distances avec des politiques d’austérité dont on souffert les plus faibles.

La social-démocratie pour retrouver sa crédibilité doit redevenir efficace d’abord dans le soutien de ceux qu’elle a vocation à représenter. Alors que la mondialisation, la financiarisation de l’économie et l’évolution des technologies induisent une nouvelle révolution et une nouvelle géographie des modes de production, elle doit trouver les moyens d’armer les classes moyennes et populaires vers la transition écologique. Ce sont elles les premières victimes des mutations du capitalisme et  du travail, du dérèglement climatique et des vagues de migration. Pour cela l’éducation et l’accroissement de la qualification des emplois créés sont les priorités absolues. Elles supposent un changement de paradigme des politiques économiques européennes et la reconstruction d’outils de solidarité à l’échelle européenne comme une indemnité chômage minimum, un nouvel âge du « welfare state ». L’outil de ce changement, c’est d’abord la reconstruction d’une capacité distributive et donc une lutte sans merci contre la fraude et l’optimisation fiscale qui sapent les bases de toute justice sociale, pour le prélèvement de la nouvelle source de richesse là où elle est créée à l’heure de l’économie numérique, de la montée en puissance de la Chine, de la victoire de Trump aux Etats-Unis ou du Brexit. C’est aussi, l’obligation de mettre en œuvre le juste échange.

Elle doit le faire car sinon, la tentation est grande de réorganiser le débat politique entre les gestionnaires de l’économie sociale de marché, en réalité le capitalisme moderne triomphant, et ceux qui se sentent exclus du système, les ins et les outs ; le « ni gauche, ni droite » abolit la capacité d’alternance, le socle de la démocratie. Il installe la victoire du capitalisme contre la démocratie.

C’est le devoir de la social-démocratie, en rassemblant les gauches, à l’échelle de chacun des Etats et de l’Union toute entière ; démocratie, justice sociale et social-écologie sont nos leviers pour remettre la planète en ordre et empêcher les droites extrêmes et nationalistes, l’extrême droite de prospérer sur la peur d’un monde qui change vite. Bâtissons à l’échelle européenne une gauche moderne, une gauche européenne, une gauche de gouvernement capable de porter les espoirs des plus démunis.

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Le lien vers l’article :

Το χρέος των σοσιαλιστών στη νέα εποχή